Description
Le monde musique François Nicolas 4/ 4
150,00 €
François Nicolas
Le monde musique
Editions Aedam Musicae, 2014, in 8°, broché, 4 volumes, 259, 347, 381, 385 pp.,
Très bel exemplaire
Comment comprendre que la musique puisse constituer un monde à part (ce qui n’est pas dire un espace autarcique), un monde qu’on nommera monde-Musique, un monde fait de morceaux de musique plutôt que de musiciens, un monde où l’existence se concentre dans des morceaux singuliers qu’on appellera œuvres, un monde dont l’intensité sensible relève de l’écoute, un monde dont l’autonomie relative procède d’une logique originale (le solfège), un monde que les musiciens ne cessent de visiter pour y prêter leur corps en jouant sans parler, un monde apte à résonner/raisonner avec un environnement non musical ?
Répondre, avec la rigueur requise, à ces questions nécessitera quatre tomes : successivement une théorie de l’écoute musicale à l’œuvre (I), une théorie de la logique d’écriture légitimant qu’on parle ici d’un « monde » musical (II), une théorie de cette discursivité langagière propre au musicien qu’on nommera intellectualité musicale (III), une théorie de ces rapports du monde-Musique avec son environnement qu’on nommera raisonances
I. L’œuvre musicale et son écoute : À quel titre la musique est-elle un art de l’écoute ? Qu’est-ce qu’écouter musicalement ? Est-ce seulement percevoir, auditionner, appréhender ? S’agit-il de la même écoute que celle (religieuse) des fidèles ou celle (flottante) des psychanalystes ? À quelles conditions musicales une telle écoute est-elle possible ? Comment suivre à la trace le travail musical d’une telle écoute lorsqu’elle a la grâce de pouvoir s’engager ?
La thèse centrale sera la suivante : pour que l’auditeur de musique puisse devenir un écouteur, il faut qu’en cours d’œuvre, il arrive quelque chose à la musique : on appellera moment-faveur cette surprise musicale où l’œuvre avoue ce secret qu’on nommera intension.
On examinera minutieusement comment ce tournant interne au discours musical autorise qu’un écouteur puisse, à partir de là, tricoter les mailles d’un temps musical qui viendra, une fois l’œuvre achevée, déposer dans la mémoire du musicien cette Forme qu’on nommera inspect.
II. Le monde-Musique et son solfège
La musique vit d’un grand écart : d’un côté art de l’écoute (I), elle est l’emblème – avec la poésie – du sensible « concret » qui ravit ; de l’autre, discipline de l’écriture (II), elle est l’emblème – avec la mathématique – de l’intelligible « abstrait » qui se déchiffre.
Et c’est cette tension vivifiante qui rend la musique capable de faire monde propre.On théorisera le monde-Musique – à la lumière de la mathématique (Grothendieck) et à l’ombre de la philosophie (Badiou) – en soutenant que son cour logique est cette écriture spécifiquement musicale – le solfège – déjà millénaire.
Ce faisant, il s’agira donc de tirer toute consé-quence du fait que la musique est le seul art à s’être jamais doté de sa propre écriture.En quel sens entendre une telle existence du « monde-Musique » ?
Quels en sont les acteurs et les corps, les opérations et les instruments, la logique et les frontières, les relations et les processus ?
À quelles conditions ce monde ne deviendra-t-il pas submergé, au XXIe siècle, par l’inflation numérique et sonore ?
III. Le musicien et son intellectualité musicale
Depuis trois siècles, des musiciens s’attachent à formuler, par écrit, les enjeux de la musique qu’ils pratiquent : il y a ainsi des intellectualités musicales qui nomment et énoncent sur une musique dont pourtant la pensée propre, non langagière, ne nomme ni n’énonce.
Pour qu’un tel projet émerge à partir de Rameau, il aura fallu que la musique se constitue en monde (relativement) autonome [tome II], que la philosophie en prenne mesure (Descartes) et qu’un embrasement idéologique sans précédent (les Lumières) vienne mobiliser le musicien. D’où un nouveau type de discursivité musicienne conjoignant une théorisation, une critique et une esthétisation de la musique aux fins d’encourager les musiciens aux tâches musicales de l’heure et de convaincre les non-musiciens de la portée générale de ces dernières. L’articulation variée de ces trois opérations engendrera une constellation disparate d’interventions, à l’écart de toute continuité disciplinaire d’ordre académique (telle la musicologie, née plus tardivement).
À ce titre, on monographiera ici les intellectualités musicales de Wagner, Boulez, Boucourechliev et Rosen (à rebours des anti-intellectualités musicales de Chopin, Debussy, Varèse et Berio) pour les confronter à quelques intellectualités d’un autre type : mathématique, philosophique et architecturale.
IV. Les raisonances du monde-Musique dans son époque
Si l’autonomie du monde-Musique ne signifie pas son autarcie, quel parti musicien tirer des liens exogènes de ce monde avec un environnement de pensée dont il n’est pas indépendant ?
Sans faire système général de ces liens (cela supposerait une théorie, encyclopédique et inconsistante, du chaosmos), ce quatrième volume propose une analyse monographique de ces résonances entre raisons disparates qu’on propose d’appeler raisonances.
Elles concerneront ici les rapports de la musique non seulement à d’autres arts (l’architecture et le cinéma en l’occurrence) et à la poésie (Hopkins) mais également aux mathématiques et à la politique, à la philosophie (Deleuze) et à la psychanalyse, à l’histoire et à la musicologie (Deliège).
Parcourir un tel archipel, intensifier ainsi les affinités que les musiciens ouvrant entretiennent avec ces autres pensées créatrices dont ils partagent le même temps, c’est élargir la base de notre pyramide (celle, en quatre tomes, dont l’écoute musicale constitue la pointe) et parachever une Idée classique de la musique contemporaine qui s’attache, contre un nihilisme omniprésent, à continuer l’art musical en le renouvelant.